"Absolutely Bizarre, Les Drôles d'histoire de l'Ecole de Bristol" à la Galerie des Beaux-Arts de Bordeaux

Cette exposition propose donc la première présentation d’ensemble, en France, de ce phénomène singulier qu’a représenté "L’École de Bristol".

 

Proches par leur situation géographique au Sud-Ouest de leurs pays respectifs et par leur passé commun de ports coloniaux, Bordeaux et Bristol sont jumelées depuis plus de 70 ans. Si de nombreux échanges existent entre les deux villes, l’école de peinture de Bristol, peu étudiée jusqu’à présent et peu connue en France, n’avait pas encore été mise à l’honneur de ce côté-ci de la Manche.

Plus qu’un mouvement pictural autonome, il s’agit bien davantage d’une association informelle de peintres, principalement paysagistes, et d’amateurs (critiques, mécènes, écrivains), caractéristique des réalités artistiques de la première moitié du XIXe siècle. Des « sketching parties » (du terme « sketch », « esquisser ») dans les environs de Bristol et des réunions chez les uns et les autres cimentèrent l’unité de ce groupe dans les années 1820-1830. L’École de Bristol aborde alors une grande variété de genres qu’elle renouvelle : la peinture de la vie citadine et des scènes de genre, vues au prisme des transformations sociales de l’époque, le paysage, en inventant une forme très originale de vues pittoresques et péri-urbaines, et enfin la peinture fantastique, traitée avec une ambition inédite jusqu’alors.

De 1800 à 1840, Bristol est ainsi une pépinière de talents de grande valeur qui, pour certains, se feront remarquer jusqu’à Londres au point d’influer sur l’évolution de la création artistique de la capitale britannique. Parmi eux, on compte les peintres Edward Bird, Francis Danby, Edward Villiers Rippingille, Samuel Colman, Samuel Jackson, Rolinda Sharples – artiste femme qui réussit une brillante carrière au point de pouvoir vivre de son art - et enfin William James Müller. Ce dernier, qui réalisa un témoignage saisissant des émeutes embrasant Bristol en 1831, sera mis en regard, pour la première fois, d’un célèbre contemporain, William Turner, dont on pourra admirer de puissantes aquarelles représentant l’incendie du Parlement britannique, qui eut lieu trois ans plus tard.

Le musée des Beaux-Arts accueille environ 80 oeuvres provenant majoritairement du Bristol Museum & Art Gallery (65 aquarelles et peintures à l’huile), auxquelles s’ajouteront plusieurs prêts de la Victoria Art Gallery de Bath et de la Tate Britain de Londres ainsi que du musée du Louvre.

La scénographie de l’exposition intégrera des dispositifs ludiques et pédagogiques, répartis dans les différentes sections de l’exposition : une présentation des outils et des étapes de réalisation d’une aquarelle ; un espace ludique pour lancer une partie de Painters’ Pursuit, jeu de plateau créé pour l’exposition ; un espace-bibliothèque comprenant des ouvrages anglais, en anglais et français, pour adultes et enfants.

▶️ LE PARCOURS DE L’EXPOSITION EST CONSTITUÉ DE CINQ SECTIONS :

La première, intitulée Absolutely Panoramic !, est consacrée à la ville de Bristol. À partir de la fin du XVIIIe siècle, cette dernière attire des artistes comme Samuel Jackson, Francis Danby et William Müller. Le site est tellement dramatique qu’il séduira aussi des artistes comme William Turner, dès 1791, ou encore Thomas Rowbotham. Édifiée sur la rivière Avon, encaissée dans des gorges de calcaire spectaculaires et à proximité de l’estuaire de la Severn et de la mer, entourée de bois enchanteurs comme ceux de Leigh Woods, la ville a prospéré grâce à ses activités portuaires depuis le Moyen Âge. Elle s’est considérablement développée au XVIIIe siècle, notamment grâce au commerce des esclaves, à l’instar de Bordeaux, sa ville jumelle depuis 1947. La place de Queen Square, édifiée à cette époque, est le symbole de cette période de prospérité.


> Samuel Colman, La Cérémonie de pose de la première pierre du pont suspendu de Clifton 1836 (The Ceremony of Laying the Foundation Stone of the Clifton Suspension Bridge), 1837. Huile sur toile © Bristol, Bristol Museum & Art Gallery, K874.

Absolutely Nature ! : la deuxième section aborde la pratique des "sketching parties", consistant en séances de croquis et de dessin organisées par les artistes dans la périphérie de la ville dès les années 1810. Accompagnées le plus souvent de séances littéraires ou musicales et de parties de pique-nique dans une ambiance bon enfant, ces excursions champêtres rassemblaient aussi poètes, amateurs et leurs familles. Cette section s’intéresse, par ailleurs, à l’essor de la peinture de paysages « péri-urbains » dans le contexte de l’urbanisation et de l’industrialisation de l’époque. Les peintres Francis Danby et Samuel Jackson en sont les représentants majeurs.


> William Turner, L’Embouchure de l’Avon (The Mouth of the Avon), 1793. Aquarelle © Bristol, Bristol Museum & Art Gallery, K6431.

 

Absolutely Social Comedy ! : la troisième section évoque les scènes de genre et de comédie sociale issues de la tradition incarnée au XVIIIe siècle par le célèbre peintre William Hogarth. Au début du XIXe siècle, l’Angleterre connaît un essor sans précédent de la peinture de genre dans un contexte politique et social très particulier. Les premiers peintres de l’École de Bristol vont jouer un rôle considérable dans le renouveau de ce genre : Edward Bird en premier lieu, puis Edward Villiers Rippingille ainsi que Rolinda Sharples, seule femme peintre de l’Ecole de Bristol, et enfin Samuel Colman dont les convictions progressistes transparaissent dans nombre de ses toiles.


> Edward Bord, Le départ pour Londres (Departure for London), 1815. Huile sur toile © Bristol, Bristol Museum & Art Gallery, K6482.


Absolutely Sublime ! : la quatrième section de l’exposition est dédiée aux paysages fantastiques et aux visions d’apocalypse. Au début des années 1820, Francis Danby initie avec succès une série de paysages fantastiques. Depuis la fin du XVIIIe siècle, à la suite de la diffusion des écrits du philosophe Edmund Burke, s’était développée en Angleterre l’esthétique romantique du « Sublime », recherchant « la terreur délicieuse », et dont les peintres Turner et John Martin venaient d’exploiter les ressources dans le genre du paysage. Inspiré par leurs succès, Danby expose à Londres de saisissantes représentations de catastrophes qui lui assurent une renommée considérable. Ses compositions ont une grande influence sur le milieu artistique de Bristol et notamment sur William West. Peintre encore méconnu et profondément marqué par sa foi non-conformiste, Samuel Colman a été à Bristol, au cours des années 1820-1830, le représentant le plus original de cette veine fantastique qui s’exprime aussi bien dans ses scènes de vie urbaine que dans ses sujets bibliques.


> Samuel Colman, La destruction de l’armée du Pharaon (The Destruction of Pharaoh' s Host), vers 1830. Huile sur toile © Bristol, Bristol Museum & Art Gallery, K4283.

Absolutely Terrible ! : la dernière section présente les oeuvres des principaux peintres paysagistes, Samuel Jackson et William Müller qui ont représenté les incendies de Bristol durant les émeutes de 1831 selon une vision terrible et sublime. Müller, témoin direct des émeutes de Bristol, exécutera une saisissante série d’huiles sur papier restituant la violence des événements, relayée par la presse de l’époque. Les oeuvres de Turner, notamment celles réalisées sur le thème de l'incendie du Parlement de Londres en 1834, sont mises en relation pour la première fois avec les huiles contemporaines de Müller, illustrant ces émeutes. Cette question inédite est traitée grâce à des prêts importants de la Tate Gallery de Londres pour l’exposition.

> William James Müller. Émeutes de Bristol : l’incendie de la nouvelle prison depuis Canon’s Marsh. (Bristol Riots : The Burning of the New Goal from Canon’s Marsh), 1831. Huile sur papier © Bristol, Bristol Museum & Art Gallery, M4121.

 

Deuxième expo de l'Année britannique au musée ! La 1ère expo de l'Année britannique : British Stories, conversations entre le musée des Beaux-Arts et le musée du Louvre est visible jusqu'au 19 septembre 2021 au musée des Beaux-Arts, aile sud.


En savoir plus : http://www.musba-bordeaux.fr/


Jusqu'au dimanche 17 octobre 2021.


Sandra Buratti-Hasan, directrice adjointe du musée des Beaux-Arts, nous fait découvrir l’exposition et ses œuvres issues de l’École de peinture de Bristol (durée env. 15mn).

Interview réalisée par Frédéric Dussarrat