Libourne : un tableau du musée des Beaux-Arts réattribué à Rubens

Les connaissances sur les œuvres conservées dans les collections publiques évoluent régulièrement au gré des recherches menées par les historiens et les chercheurs.


Cette peinture, issue de l’extraordinaire collection du docteur Louis La Caze (1798 – 1869) qui légua au Louvre trois cent dix tableaux d’une importance extraordinaire, réunit trois études de la même tête d’un vieil homme barbu aux longs cheveux blancs.


▶️ ORIGINES DE L’OEUVRE

Cette œuvre est un dépôt ancien du musée du Louvre fait au musée de Libourne en 1872. Le dossier d’œuvre documentaire nous informe que le tableau fut déposé sous l’intitulé « école de Rubens ». Il est vrai que Pierre-Paul Rubens (1577-1640) avait établi ce type de sujet dans son atelier, à destination de ses élèves et disciples, afin de disposer de modèles de têtes prêts à être réutilisés dans de plus grandes compositions. Parmi ses collaborateurs les plus prestigieux figurait le peintre Jacob Jordaens (1593-1678) qui travailla auprès de lui à partir de 1620. Rubens, Jordaens et Antoine Van Dyck, furent les trois grands maîtres de l’école de peinture d’Anvers au XVIIe siècle.

▶️ UNE PREMIÈRE ATTRIBUTION À JACOB JORDAENS

Dans les années 1960, le tableau fit l’objet de plusieurs études en vue de restaurations à l’issue desquelles il fut attribué à Jacob Jordaens : le peintre aurait reproduit, comme un exercice, le visage du Saint Matthieu de Rubens conservé au musée du Prado à Madrid et peint vers 1611. Il est indéniable que les deux œuvres sont liées. Cependant, pour Nico Van Hout, le tableau de Libourne n’est pas un exercice réalisé à partir du tableau de Madrid, mais bien une étude préliminaire pour ce dernier, réalisée vers 1609-1610. Il ne serait donc pas de la main de Jordaens, mais bien de celle de Rubens.

▶️ UNE RÉATTRIBUTION RÉCENTE À RUBENS

Historien de l'art et directeur des recherches, Nico Van Hout a étudié les sciences de l'art et l'archéologie à l'Université de Gand, ainsi que la restauration et la conservation à l'Institut National des Beaux-Arts à Anvers. Son intérêt scientifique porte sur le processus créatif et les aspects matériels et techniques de l'œuvre des maîtres flamands du XVIIe siècle. Fin connaisseur de l'œuvre de Peter Paul Rubens, il a notamment présenté en 2015 une exposition exceptionnelle intitulée « Sensation et sensualité : Rubens et son héritage ». Il participe, en tant que chercheur, au Projet Rubens, projet culturel européen, et publie régulièrement au sujet de la diffusion de l'œuvre de ce peintre.

Le questionnement sur la paternité du tableau de Libourne s’inscrit dans le cadre de son travail de recherche pour la publication du volume 20 de son Corpus Rubenianum Ludwig Burchard portant sur les « études de têtes » de Rubens et de ses collaborateurs. Le Corpus Rubenianum Ludwig Burchard est un catalogue raisonné des œuvres de Pierre Paul Rubens. Commencé en 1963, cette publication de fond, encore inachevée, a pour ambition de lister avec exhaustivité l'ensemble des créations de cet artiste (peintures, esquisses, tapisseries...), classées par iconographie en 29 sections pouvant contenir jusqu'à six volumes différents.

Dans cette publication de fond, il réattribue le tableau présenté au musée des Beaux-Arts de Libourne à Pierre Paul Rubens, confirmant ainsi un précédent diagnostic établi au milieu du XXe siècle par Justus Müller Hoftede de l’Institut d’histoire de l’art de Bonn, spécialiste de Rubens.

▶️ AUX ORIGINES DES COLLECTIONS DU MUSÉE DE LIBOURNE

Les collections du musée des Beaux-Arts de Libourne sont issues de nombreux dépôts anciens de l’Etat effectués au XIXe siècle. Les premiers furent initiés en 1818 par le duc Elie Decazes, ministre de Louis XVIII. Originaire du Libournais, ce dernier fit venir à Libourne des œuvres d’une grande valeur artistique. Citons le tableau Jésus chassant les marchands du temple de Bartolomeo Manfredi, qui fut disciple du Caravage et dont les toiles sont conservées au musée des Offices à Florence, à l’Art Institute de Chicago, à la Gemäldegalerie de Dresde, au musée du Louvre et au musée de Libourne.
 




En savoir plus : http://www.libourne.fr/culturelle/musee-des-beaux-arts


Caroline Fillon, Directrice du Musée des beaux-arts de Libourne.

Interview réalisée par Frédéric Dussarrat