Filmer les procès, un enjeu social : "De Nuremberg au génocide des Tutsi au Rwanda", exposition aux Archives départementales de la Gironde 2022

Jusqu'au 4 novembre 2022, sont présentées pour la première fois en Gironde des images tournées lors de procès majeurs pour crimes contre l’humanité, organisés en France entre 1987 et 2018.

 

Cette exposition a été conçue et réalisée par les Archives nationales qui conservent les archives audiovisuelles de la justice, et l’ont présentée en 2020-2021.

En France, il a fallu attendre la loi du 11 juillet 1985, promue par Robert Badinter, pour que les caméras entrent dans les tribunaux pour suivre des procès. L’ancien garde des sceaux dit de la naissance de cette loi : « Ce que j’ai souhaité en 1985, c’est enregistrer les procès à des fins historiques, mais aussi pédagogiques. L’enregistrement doit être le plus neutre possible. Il faut montrer l’audience du point de vue du juge, pas celui qui assure la captation audiovisuelle. L’enregistrement est un matériau pédagogique, un document pour les chercheurs. Il devient avec le temps un matériau historique. »

▶️ FOCUS SUR 8 PROCÈS HISTORIQUES, DONT CELUI DE MAURICE PAPON, À BORDEAUX

Cette exposition, constituée de montages audiovisuels réalisés à partir de plusieurs centaines d’heures d’enregistrement, met en lumière la singularité des crimes contre l’humanité et des procès qui se sont déroulés en France pour ceux commis durant la Seconde Guerre mondiale par Klaus Barbie (1987), Paul Touvier (1994) et Maurice Papon (1997-1998), présentés au regard d’images des procès de Nuremberg (1945-1946) – où le concept de crime contre l’humanité fut utilisé pour la première fois par un tribunal militaire international – et d’Adolf Eichmann (1961).

Elle présente également les images de deux procès concernant le génocide des Tutsis au Rwanda, avec celui de Pascal Simbikangwa (2014), d’Octavien Ngenzi et de Tito Barahira (2018) ainsi que celui de complices de la dictature chilienne avec le procès des « 14 chiliens » (2010). Ce dernier procès sera également diffusé en intégralité pendant la période de l’exposition.

▶️ UN DEVOIR DE MÉMOIRE ET DES PREUVES HISTORIQUES

L’exposition permet également de couvrir une interview de Robert Badinter et plusieurs documentaires permettant notamment de comprendre les contraintes techniques auxquelles étaient soumis les réalisateurs, tout en rappelant l’importance de filmer des procès garants de valeurs démocratiques.

A cette occasion, sont exposés de nombreux documents versés aux Archives départementales de la Gironde par la cour d’appel de Bordeaux, contenus dans le fonds d’instruction du procès Papon qui s’est tenu à Bordeaux en 1997-1998. Ces archives font l’objet d’un arrêté portant dérogation générale aux délais de communicabilité de 75 ans, permettant désormais leur libre communication au public.

Enfin sont présentées pour la première fois une sélection de planches et dessins d’audience originaux du dessinateur et caricaturiste Riss, envoyé spécial du journal Charlie Hebdo pour suivre le procès dans son intégralité, dont il rendit compte sous forme graphique.

En savoir plus : https://archives.gironde.fr


Véronique Pisani, conservatrice en charge de la diffusion au public aux Archives départementales de Gironde.

Interview réalisée par Frédéric Dussarrat