28e Salon d'expression photographique de la "Mémoire de Bordeaux Métropole" : "Regards croisés sur Bordeaux"

Des photographes sur les pas de Francis Sussat, peintre des années 1950. Une exposition de tableaux et photos montrant les mêmes lieux.

 

Quatre photographes de la commission chargée d'organiser cette exposition ont suivi son parcours pour montrer la ville aujourd'hui, pour retranscrire, chacun à sa façon, les souvenirs du peintre-poète.



▶️ FRANCIS SUSSAT (1923-1995) : LE PEINTRE DES RUES DE BORDEAUX DES ANNÉES 1950

A partir de juillet 1987, alors que la création de La Mémoire de Bordeaux est officielle depuis quelques mois, et jusqu'en 1991, Francis Sussat, jeune retraité mérignacais et peintre amateur, confie à notre association vingt-cinq tableaux de vues de Bordeaux. Cette collection a été exposée pour la première fois au Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux sous le titre « Mémoire de la rue » en décembre 1991.

Du peintre, aujourd’hui, on connait peu de choses, excepté ce qu’en disent les « Echos de la Mémoire » dans notre revue Empreintes (n°9) en 1991 et les articles parus dans le journal Sud Ouest pour relater l’évènement. On apprend ainsi que l’homme qui pose devant une de ses toiles, est un ancien technicien chez IBM, spécialisé dans le matériel de sécurité, et que « ses toiles courent dans le monde entier, au Canada, aux Etats-Unis, en Allemagne et en France bien sûr.» A l’époque, il passe la majeure partie de son temps dans la maisonnette qu'il a construite, au Porge, village médocain au coeur de la forêt de pins où ses grands-parents étaient gemmeurs et vivaient dans un airial. Il dit : « Je peins sans document ni modèle, des paysages que l’on n’a pas l’habitude de voir : les rues de Bordeaux de 1950…».C'est la ville qu'il a connue pendant sa jeunesse entre 1945 et 1957.

Dans un style pictural figuratif et naïf, joliment coloré et narratif, l’artiste montre les lieux emblématiques de la ville et du port de la Lune. Il détaille la vie quotidienne de ses habitants. Les pavés des quais et ceux du parvis des gares Saint-Louis et Saint-Jean luisent sous la pluie ou s’éclairent sous un ciel toujours nuageux rose-orangé ou gris-bleu. Les saisons défilent sur les platanes des places Gambetta, et des Martyrs de la Résistance. Il pleut et il fait froid dans cette ville et on ne sort pas souvent sans parapluie ou sans chapeau. Mais rien ne décourage les couples amoureux qui déambulent bras-dessus, bras-dessous.

Sous une lumière blanche, la ville est construite de façades grises alignées qui défilent le long d’axes routiers tout aussi gris. Les proportions et la perspective sont toujours justes et majestueuses. Au centre de ce décor monochrome, s’active une population aux vêtements joyeusement bigarrés qui circule à pied, à bicyclette, en voiture, en bus et en tramway.

À y regarder de plus près, on discerne un premier fil conducteur dans cette histoire urbaine. Ce sont les tramways vert et rouge des TEOB (Tramways Electriques Omnibus Bordeaux), ceux qui relient Bordeaux et sa banlieue, grâce aux lignes 7/8/14/20/23 et aux lianes C, S, P…, qu’empruntent les petites gens pour se rendre à leur travail.

Un second fil conducteur nous emmène au cœur de la ville. Il est incarné par une silhouette silencieuse, celle d’un homme vêtu d’une blouse noire et d’un chapeau de feutre qui pousse sa charrette à bras dans les quartiers de Bordeaux, dans sa quête d’une course à livrer, entre le marché des Capucins et les places de la Bourse, de Tourny et la Victoire.

Il partage sa condition de livreur avec ceux de la pâtisserie Dastarac, des glacières Bernat. Il croise les facteurs dans la rue Castéja et le marchand de tapis maghrébin sur la place de la Bourse.

Ailleurs, à Mériadeck, aux Chartrons, il suit des marins en goguette qui déambulent de rade en rade et qui titubent se soutenant les uns les autres pour arriver à bon port.

Pendant ce temps, sur les quais, les grues tournoient au-dessus des cargos et des hangars pour décharger les ballots de laine, de coton et d’arachides. Sur le quai de Bacalan, les voyageurs en partance pour l’outre-Atlantique et l’Afrique embarquent sur les paquebots de la Compagnie Générale Transatlantique. Les gondoles qui transportent leurs passagers, glissent sur la rivière pour joindre l’autre rive.

Au loin, la flèche Saint-Michel se dresse de toute sa hauteur, comme une Bonne Mère.
 
▶️ L'EXPOSITION

Cette collection de tableaux, qui est montrée pour la première fois depuis trente ans, s’adresse à tous les visiteurs curieux de découvrir cette ville d’un autre temps qui ne cesse sa perpétuelle mutation.

Elle est conçue comme une promenade en mobilité douce dans le Bordeaux des années 1950, avec en vis-à-vis, le regard croisé de trois photographes bien ancrés dans notre époque - Rachel Möschberger, Pascal Fallot, Alain Vergnes - et le témoignage apporté par les archives photographiques sélectionnées dans trois fonds anciens - Archives du journal Sud Ouest, Archives de Bordeaux Métropole et archives de La Mémoire de Bordeaux Métropole - qui couvrent le XXe siècle.

Elle démarre de la gare Saint-Jean, point de départ d’un touriste fraîchement descendu du train. L’itinéraire se poursuit à l’intérieur de la ville, de rues en places, jusqu’à la gare Saint-Louis. Puis il bifurque sur le quartier Bacalan. Là, il remonte les fameux quais du port de Bordeaux toujours en activité en 1950 et s’achève au marché Neuf de la place de Bourgogne, au pied de la flèche Saint-Michel.

▶️ L'INVITÉ  ALAIN VERGNES : "ARTISTES EN SCÈNE", 30 ANS DE SPECTACLES DANS LA MÉTROPOLE BORDELAISE

Diplômé de l'école Louis-Lumière, Alain Vergnes a mené une carrière d'ingénieur d'études en photographie au CNRS où il s’est occupé de télédétection aérospatiale, ce qui consistait à réaliser des cartes d’occupation des sols à l’aide d’images satellitaires. Ces missions l’ont conduit en Afrique, en Asie et en Europe de l’Est, où, armé de son Leica, il partait à la « Rencontre de l’Autre » pour assouvir sa passion du portrait.

Aujourd'hui retraité, il expose dans des musées, des centres culturels, des médiathèques, les nombreux portraits qu'il a réalisés lors de ces expéditions.

Membre de la commission Photo de La Mémoire, ses pairs l’ont invité à montrer quelques-uns de ses portraits. Grand amateur de théâtre, de musique et de danse, il a souhaité rendre hommage aux professions du spectacle vivant. Il a donc choisi d’exposer des portraits d'artistes célèbres qui se sont produits sur les scènes artistiques de Bordeaux et de la Métropole depuis ces trente dernières années.

 


En savoir plus : https://memoiredebordeaux.wixsite.com/metropole


Jusqu'au dimanche 26 septembre 2021.
Salle capitulaire de la cour Mably.


Geneviève Caillabet, documentaliste de "La Mémoire de Bordeaux Métropole", nous accompagne dans une visite de l'exposition en compagnie d'Alain Vergnes, le photographe invité de cette édition.

Interview réalisée par Frédéric Dussarrat